Introdution
Le travail est une loi universelle de lhumanité qui
place lhomme dans une certaine ambivalence: travailler est
une nécessité ("gagner sa vie"), une source
de progrès moral et matériel, mais cest aussi
une souffrance psychique et physique ("se tuer au travail").
Avec lavènement de la société post-industrielle,
le travail sest vu allégé par les progrès
technologiques, surveillé par des lois protectrices, compensé
par les vacances et les loisirs (AMIEL,1989).
Or, depuis laprès-guerre, il a été de
plus en plus question de la fragilité de léquilibre
psychologique des travailleurs, de leur « fatigue »,
à limage par exemple de « la maladie des dirigeants
» ou de « la névrose des téléphonistes
et des mécanographes ».
Les enjeux de la toxicité du travail sur la santé
mentale ont fait lobjet dune réflexion grandissante
qui a donné naissance à une nouvelle « discipline
» : la psychopathologie du travail dont nous exposerons les
origines et le développement dans la première p&e
de notre travail.
Si, grâce à la psychopathologie du travail, le couple
« travail-fatigue » est devenu évident dans sa
notion de souffrance, il en est un autre qui sest progressivement
dessiné : celui de « professioné puisement ».
La profession renvoie à un acte de parole qui engage lindividu
dans son identité sociale. Lépuisement évoque
la métaphore du puits qui est devenu sec (LEBIGOT et LAFONT,
1985).
Nous nous sommes intéressés à cet épuisement
professionnel parce que tout dabord, en tant que trouble psychopathologique,
il implique à plus ou moins long terme lintervention
nouvelle du psychiatre ou du psychologue sur les lieux du travail.
Ensuite, parce que cet épuisement semble prendre des proportions
grandissantes à limage du syndrome de « bum-out
» décrit aux Etats-Unis et au Canada.
Le « burn-out » est le plus souvent traduit par «
syndrome dépuisement professionnel » en discours
francophone. Il se développe dans les professions daide
et de responsabilité envers autrui (enseignement, soin, soutien
social ou judiciaire...).
Notre deuxième partie présentera donc ce quest
ce syndrome depuis sa description initiale en 1974 par FREUDENBERGER,
psychanalyste américain, jusquà son évolution
actuelle. Nous verrons comment au fil des années et au prix
dune abondante littérature son sens original sest
élargi, déformé, dilué. Actuellement,
son utilité est perdue de vue, son entité nosologique
(à supposer quelle existe) est mise en doute devant
labsence de spécificité du concept. Ainsi, le
« burn-out » serait devenu bel et bien victime de sa
popularité, tel un phénomène de mode.
Il na pas épargné lEurope, où on
le voit de façon moins appuyée, occuper un espace
situé entre médecine du travail et psychiatrie (espace
concernant la santé mentale du sujet en situation de travail).
Cet engouement ne doit pas laisser indifférent : le concept
de « burn-out », outre des hypothèses théoriques
et une réflexion clinique parfois solides, a impliqué
la création déchelles de mesures et dinfrastructures
de soutien professionnel pour pallier aux conséquences coûteuses
qui lui sont attribuées : absentéisme, troubles mentaux
ou somatiques divers, voire au contraire
« présentéisme apathique » entravant un
bon déroulement du travail à effectuer.
Au cours de notre pratique dinterne en psychiatrie nous avons
eu limpression de rencontrer un certain épuisement
au sein des équipes infirmières voire dexpkrimenter
personnellement un certain découragement dans le cadre de
simations de soins.
Peut-on dire alors quil sagissait du «burnout»
? Quelle serait ainsi sa validité transculturelle? Ne ressemble-t-il
pas aux résultats déjà plus anciens et connus
des recherches sur le stress au travail ? Et quelle est sa relation
avec dautres pathologies psychiatriques (dont on veut tant
le démarquer) quelles soient adaptatives, dépressives
ou anxieuses? Nous avons donc retenu pour notre étude des
interrogations forcément réductrices : le «burnout»
peut-il se rencontrer dans un système de soin français
? Nous en doutons, mais si tel est le cas il faut bien préciser
ses rapports avec le
stress, un éventuel noyau dépressif, une anxiété
névrotique.
Continua >>>>>
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